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Test de Clair Obscur: Expedition 33 sur Playstation 5

Clair Obscur: Expedition 33 n'arrête pas de défrayer la chronique. Véritable miracle vidéoludique qui remet le tour par tour au goût du jour ou mode passagère overhyped, on en discute tout de suite avec vous.

Fiche du RPG

Screenshot-titre du test de Clair Obscur: Expedition 33
Développeur Sandfall Interactive
Langue Français
Difficulté Moyenne
Genre RPG

Sandfall Interactive

Sandfall Interactive est un studio de développement de jeux vidéo basé à Montpellier, fondé officiellement en 2020 par Guillaume Broche, ancien producteur associé et responsable narratif chez Ubisoft. Il a travaillé entre autre sur Ghost Recon Breakpoint et The Division 2. Passionné par les jeux vidéo, il a quitté Ubisoft pour poursuivre sa vision créative indépendante, car « il s'ennuyait ». L'idée de Clair Obscur a germé en 2019 lorsque Guillaume a commencé à expérimenter avec Unreal Engine en autodidacte. En 2020, il s'associe avec François Meurisse et Tom Guillermin. Si Guillaume est le génie créatif ; François (on va l'appeler Fran-Fran), est le génie opérationnel. Ancien chef de projet dans des entreprises technologiques, il est aujourd'hui Chief Operating Officer au sein de Sandfall. Son diplôme en management et industries créatives et ses expériences professionnelles antérieures lui ont permis d'acquérir une expertise précieuse en gestion de projet et en production, qu'il a ensuite appliquée au développement de jeux vidéo. Tenir une équipe, des deadlines, développer un budget, ce n'est pas une mince affaire croyez-moi, et Fran-Fran est totalement en partie responsable du miracle Clair Obscur. Tom Guillermin, co-fondateur et directeur technique de Sandfall Interactive, a précédemment travaillé chez Ubisoft en tant que programmeur gameplay. Il a contribué au développement de plusieurs jeux majeurs, notamment Ghost Recon, The Division 2 et l'arlésienne Beyond Good and Evil 2 (qu'on verra peut-être un jour). Ces expériences chez Ubisoft ont permis à Guillermin d'acquérir une expertise précieuse en programmation gameplay, qu'il a mise à profit pour le développement de Clair Obscur : Expedition 33. Le studio a débuté avec une petite équipe, qui s'est agrandie au fil des années pour atteindre environ 34 membres en 2025, principalement des juniors, pour lesquels il s'agit du premier jeu... La légende est née.

Le développement du jeu a commencé sous Unreal Engine 4, avant de passer à Unreal Engine 5 pour bénéficier des améliorations graphiques et d'animations. Le jeu s'inspire des JRPG classiques comme Final Fantasy VIII à X, tout en intégrant des influences modernes telles que Persona et Sekiro pour son système de combat innovant. La direction artistique, initialement conçue par Broche, s'inspire de la Belle Époque et du mouvement Art déco, avec une esthétique rappelant les contrastes du clair-obscur. Le scénario du jeu, coécrit avec Jennifer Svedberg-Yen, puise dans des influences littéraires telles que La Horde du Contrevent. Mais on vous prépare des chapitres entiers à ces sujets tellement il y a à dire.

Si je parle du « miracle Clair Obscur » un peu plus haut, ce n'est pas pour rien. Le jeu a été présenté lors du Xbox Games Showcase en 2024 et est sorti le 24 avril 2025 sur PC, Xbox Series et PlayStation 5, en sortie mondiale. Le jeu a connu un succès immédiat, vendant 500 000 unités dans les premières 24 heures, 1 million en trois jours, et atteignant 3,3 millions de copies en 33 jours (malgré le jeu inclus dans le Xbox Game Pass!!). Il a reçu des critiques élogieuses, avec une note moyenne de 92 % sur OpenCritic, et a été salué pour sa direction artistique, son système de combat et sa narration émotionnelle . Avant même la sortie du jeu en janvier 2025, Sandfall Interactive a annoncé une adaptation en film live-action de Clair Obscur: Expedition 33, en collaboration avec Story Kitchen. Ce projet vise à étendre l'univers du jeu au-delà du média vidéoludique, en capitalisant sur son succès critique et commercial.

Clair Obscur: Expedition 33 détient actuellement le record de la meilleure note utilisateur jamais enregistrée sur Metacritic. Avec un score utilisateur de 9,7 sur 10, il dépasse des classiques tels que The Legend of Zelda : Ocarina of Time (9,1) et The Last of Us (9,2) . Ce succès critique s'accompagne d'une note Metascore de 92, basée sur 83 critiques professionnelles, ce qui lui confère le statut de "Universal Acclaim". Ce succès a été salué par des personnalités telles que le président français Emmanuel Macron, qui a qualifié le jeu de "brillant exemple de l'audace et de la créativité françaises". C'est une dinguerie, on vit l'histoire les amis, j'ai l'impression d'avoir gagné la coupe du monde 98 !

Ambiance fracture
Les combats sont époustouflants

Clair Obscur

On vous parlait des inspirations du jeu et Clair Obscur a beaucoup fait parler de lui sur la toile, avec de nombreux mèmes sur tout ce qu'il a piqué à gauche à droite mais autant casser le suspens tout de suite, il s'agit de l'amour passionnel pur et dur de son créateur aux jeux-vidéos qui l'ont bercé et il les a absolument tous transcendés. Clair Obscur: Expedition 33 est un jeu extrêmement riche et ambitieux, tant sur le plan artistique que ludique, ses inspirations sont donc multiples, allant du jeu vidéo aux arts visuels, en passant par la littérature et même la philosophie. Voici un panorama aussi complet que possible de ses influences (selon mon point de vue).


Inspirations vidéoludiques

On commence forcément par Final Fantasy et pour une fois je mettrais de côté le 6 et le 7 (malgré le cameo énorme du train comète concernant FF7) pour me concentrer plutôt sur les 8, 9, 10. En effet, vu l'âge du Guillaume et le tournant plus cinématographique qu'ont pris les Final Fantasy à partir du 8, on retrouve0 cette structure narrative, l’intensité émotionnelle, les mécaniques de combat au tour par tour et la musique orchestrale. Le système de combat visuellement théâtral de Clair Obscur rappelle celui des Final Fantasy, tout en y ajoutant des éléments d’action. À cela je rajouterais personnellement du Lost Odyssey, rien que pour la dynamique des caméras en combat et l'ambiance générale. Shadow Hearts aussi ne serait pas en reste, dans l'esthétique et le côté sombre sous-jacent continu. Enfin le système de paring / QTE fait penser à Legend of Dragoon, mais faut avoir joué à ce bon J-RPG à l'époque PSX pour s'en souvenir (« Tempête de Roses! »).

Clair Obscur est clairement marqué par la série Persona, depuis le 3 mais surtout le 5, que ce soit sur la gestion du groupe, la profondeur psychologique des personnages, le design stylisé, et l’esthétique "limite baroque" et bien entendu la caméra in game ultra dynamique pendant les combats (je vais souvent le répéter ça). On peut rajouter NieR : Automata, pour son esthétique mélancolique, sa narration philosophique, et la fusion combat-action + émotion. L'exigence des combats, la maîtrise du timing et les univers énigmatiques à découvrir plus par l'exploration que l'exposition ne sont pas sans rappeler Sekiro, Elden Ring, Dark Souls (Simon bordel!), bref les FromSoftware quoi. D'ailleurs vous allez vous manger les phalanges sur certains ennemis, et c'est ça qui est magnifique. Les univers à forte personnalité visuelle et les récits en couches, parfois symboliques ou ambigus font penser à du Bioshock, Dishonored ou encore Control ; en effet, si vous voulez comprendre tout l'enjeu de son histoire, il faudra faire l'effort de lire les journaux d’expédition par exemple. Enfin, et là c'est gratuit, mais on a un côté Devil May Cry totalement assumé par le boss, qui est un grand fan du jeu! Ce sont les inspirations qui m'ont sauté aux yeux, mais en réalité, chacun chacune pourrait faire sa propre liste.


Inspirations artistiques et esthétiques

Ce n'est pas forcément mon domaine de prédilection mais les noms in-game straightforward vous laissent comprendre directement de quoi on parle.

Le nom du jeu, le clair-obscur, est une technique picturale consistant à jouer sur les contrastes de lumière et d’ombre, utilisée par des peintres comme Caravage, Rembrandt ou Georges de La Tour. Le jeu applique cette logique dans ses thèmes, son gameplay (lumière/ombre, vie/mort, action/temps figé) et son ambiance. Le jeu nous emporte également dans la France du début du XXième, soit au moment de la Belle Epoque et l'Art Déco. C’est la colonne vertébrale visuelle du jeu. Les environnements, les costumes, les armes et même la typographie s’inspirent de la France de 1900-1930, mais dans une version onirique, déformée, souvent dystopique avec des couleurs chaudes, architectures fastueuses, motifs géométriques, contrastes clair-obscur. Tout ceci avec une touche de symbolisme et de surréalisme ; rien qu'à voir certaines créatures abstraites qui semblent faire référence à Odilon Redon, Magritte, Dali, ou encore Zdzisław Beksiński.


Inspirations littéraires et philosophiques

Ici aussi on est servis, forcément ce qui m'a pété aux yeux en premier c'est l'Attaque des Titans, car c'est mon affinité (les expéditions c'est le bataillon d'exploration putain), mais également La Horde du Contrevent de Alain Damasio, cité explicitement par la co-scénariste du jeu, Jennifer Svedberg-Yen. On retrouve l’idée d’un groupe d’élus en mission impossible, dans un monde hostile, avec une narration très sensorielle. Pour la petite anecdote, la scénariste a été recruté sur reddit. Elle avait d'abord postulé pour un rôle de doubleuse, mais son talent narratif a rapidement été remarqué, et elle a été intégrée à l'équipe en tant que scénariste principale. Son parcours est particulièrement intéressant : elle a participé à une simulation de mission spatiale de la NASA en tant qu'astronaute analogique. Cette expérience a influencé sa manière de concevoir les personnages du jeu, en s'inspirant de la diversité des compétences et des profils présents dans une véritable équipe d'expédition. Ainsi, les personnages de Clair Obscur ne sont pas de simples archétypes de RPG, mais des individus aux compétences variées et complémentaires, reflétant une approche plus réaliste et humaine de la composition d'une équipe. Légende, je vous le dis.

Si on enlève quelques couches à l'oignon, on retrouvera forcément du Nietzsche ou Sartre. En effet, le jeu n'est pas très drôle, les thèmes du deuil, de la destinée, du sens de la vie, du sacrifice, et du libre arbitre traversent le jeu mais de manière pas très agréable, rien que la fin laisse un goût amer dans la bouche. L'influence de l'absurde de Camus et le réalisme existentiel est palpable dans le ton narratif ainsi que son mythe de Sisyphe à boucle de la Peintresse (chaque année une génération est effacée), évoque la condition humaine absurde, et la lutte pour lui opposer du sens. La recherche en vain de sens de l'homme, d'unité et de clarté, dans un monde inintelligible, dépourvu, selon Camus, de Dieu et par conséquent, de vérités et valeurs éternelles. Le personnage de Sisyphe incarne cette répétition mécanique de la vie, Camus en fait également un personnage tragique en raison de sa conscience. Et toute cette construction prend un sens qui s'affirmera au fil des heures jusqu'à atteindre un point culminant à la fin du jeu, encore une fois, je le répète, une fin déchirante, soumise à sa propre interprétation et dont Internet n'a pas fini de discuter. Je rajouterais même une pincée implicite des studios Ghibli et de Nolan (symbolisme, récit en boucle).


Inspirations musicales, on en parle tout de suite.

Maelle est un personnage poignant
Voici Lune, de dos, le charisme incarné

Alicia

Si Clair Obscur transcende également un autre aspect du monde vidéoludique, c'est bel et bien dans sa production musicale absolument fantastique.

Lorien Testard est le compositeur principal de la bande originale du jeu. Son parcours est atypique et inspirant : autodidacte passionné de musique de jeux vidéo, il a longtemps composé des morceaux dans son temps libre, qu'il partageait sur SoundCloud. C'est grâce à cette plateforme que Guillaume a découvert son travail et l'a contacté pour collaborer sur le projet.

Testard a consacré plusieurs années à la composition de la bande originale du jeu, travaillant intensivement pour créer une ambiance musicale immersive et émotionnelle. Il a collaboré étroitement avec la chanteuse Alice Duport-Percier, qui a apporté sa voix à plusieurs morceaux clés de la bande-son et en a co-écrit certains.

La musique de Clair Obscur : Expedition 33 a été saluée pour sa capacité à renforcer l'identité française du jeu, notamment par l'utilisation d'instruments traditionnels comme l'accordéon. Lorien a déclaré que l'inclusion de cet instrument dans certaines compositions, comme le thème du mime, était à la fois un devoir et un plaisir coupable. Le succès de la bande originale a été remarquable : elle a été écoutée plus de 18 millions de fois sur les plateformes de streaming musical et a atteint les premières places de plusieurs classements musicaux du magazine Billboard, notamment dans la catégorie musique classique. En somme, Lorien Testard a joué un rôle crucial dans la création de l'univers sonore de Clair Obscur : Expedition 33, apportant une dimension émotionnelle et culturelle qui a contribué au succès critique et commercial du jeu.

A titre d'exemple le morceau « Alicia » évoque fortement l'esthétique et les émotions associées à des œuvres emblématiques de la musique de jeux vidéo et du cinéma. Ce morceau a été enregistré lors d'une session orchestrale de trois jours, témoignant de l'importance accordée à sa production

Lorien a exprimé son émotion en partageant ce thème avec le public, soulignant la joie ressentie en voyant la musique résonner chez les auditeurs. Il a également mentionné que la voix humaine, incarnée par la chanteuse Alice Duport-Percier, joue un rôle central dans la bande originale, apportant une profondeur émotionnelle particulière à l'univers du jeu. Ce morceau s'inscrit dans la tradition des grandes compositions orchestrales qui marquent les esprits, à l'instar des œuvres de Joe Hisaishi pour les films du Studio Ghibli ou Nobuo Uematsu pour les Final Fantasy. Le succès de ce thème et de la bande originale dans son ensemble témoigne de la capacité de la musique à transcender le médium vidéoludique pour toucher un large public.

Des mélodies poignantes au piano et à cordes, qui alternent entre lyrisme, mystère et tension dramatique, d'autres plus répétitive, hypnotique et émotionnelle, cette BO est un véritable banger et pour rajouter un grain dans la légende, c'est la toute première BO qu'a écrit Lorien Testard pour un jeu video et il a fait une magnifique masterpiece de plus de 8h en proposant même des bonus en rab. Ca me rappelle du Ghibli, du Chrono Trigger, du FFX, mais même du Yann Tiersen sur son travail sur Amélie Poulain (point baguette). C'est magnifique et j'attends juste que sorte le vinyle collector pour me prendre une nouvelle platine qui donnera grâce à cette BO transcendantale.

Baguette romantique
Le jeu c'est très la France

Pour ceux qui viendront après

Le jeu vous plonge dans la cité de Lumière, une copie dystopique de Paris. Un cataclysme connu sous le nom de la Fracture a arraché la cité de Lumière du reste du continent. Depuis, isolée par une mer devenue presque infranchissable, la terre au-delà est redevenue un monde sauvage, peuplé de mystères dont on ne sait quasi rien au début du jeu. Depuis ce jour funeste, une malédiction rythme la vie des habitants de Lumière : chaque année, une entité surnommée la Peintresse inscrit un chiffre sur un immense monolithe — un compte à rebours de 100 à 0. À chaque nouveau nombre, toutes les personnes atteignant cet âge se désintègrent, littéralement, en poussière.

Pour rompre ce cycle fatal, la ville a lancé, année après année, des expéditions chargées de trouver et d’éliminer la Peintresse. Aucune n’a jamais réussi à remplir sa mission et d'aucune n'a jamais vraiment ramené d'informations concrètes à Lumière (c'est le bataillon d'exploration je vous dis).

L’histoire s’ouvre sur Gustave, scrutant l’horizon. À ses côtés, Maelle, une adolescente vive, l’invite à offrir une fleur à Sophie, l'amour perdu (?) de Gustave. Gustave rejoint cette dernière, qui, désormais âgée de 33 ans, se prépare avec lucidité à l’inévitable. Il lui fait alors une promesse : mettre fin au cycle pour qu’aucune vie ne soit plus jamais volée. Sur le port de Lumière, la population se rassemble. La Peintresse apparaît près du monolithe et y peint le chiffre 33. Le rituel du Gommage commence, emportant avec lui ceux qui ont atteint cet âge — dont Sophie. Ca fait même pas dix minutes que le jeu a commencé et déjà tu chiales.

Le soir venu, la ville rend hommage aux disparus, et Emma, la sœur de Gustave et conseillère de la cité, prononce un discours d’adieu. Ainsi, l’Expédition 33, dont Gustave et Maelle sont membres, quitte Lumière. Elle s’élance vers l’inconnu, avec l’espoir de mettre fin, enfin, à cette malédiction qui efface une génération après l’autre. Et je m'arrêterai là, je ne parlerai même pas des personnages pourtant touchants et torturés. Cette histoire mérite d'être jouée, surtout pas spoilée.

Dès le début du jeu on se prend une masterclass d'une narration exemplaire, d'une mise en scène cinématographique, d'une rouste dramaturgique. Contrairement aux récits apocalyptiques traditionnels où le héros (de 14 ans) cherche à empêcher une catastrophe, ici, l’horreur est régulière, rituelle, déjà installée. L’enjeu devient alors : peut-on échapper à l’inéluctable, échapper à son destin ? L’histoire se dévoile par strates, à travers les dialogues, les environnements, les souvenirs fragmentés, les visions oniriques, les œuvres peintes, ce qui favorise l’interprétation et incite le joueur à une lecture active. On aura souvent l'impression d'être perdu comme si on regardait un épisode de Lost (sauf que là on aura des vraies réponses à la fin).

Pour pousser l'analyse métaphysique un peu plus loin, le rituel annuel de la Peintresse transforme la mort en performance esthétique, comme dans une logique de création destructrice. Le jeu interroge la capacité de l’art à bouleverser, à sauver ou à détruire. Si la Peintresse tue, c’est aussi parce qu’elle ne sait plus comment peindre autrement, comme si l’inspiration était devenue une malédiction. Le monde de Clair Obscur est lentement effacé, comme une toile que l’on recouvre. La narration invite à réfléchir sur la mémoire, l’oubli collectif, et la peur de disparaître sans trace.

La narration ne passe pas uniquement par les dialogues ou les cinématiques. Elle se tisse dans chaque détail du monde. L’environnement raconte des histoires : des bâtiments abandonnés, des affiches effacées, des tableaux déchirés. Chaque zone explore une facette du passé ou du présent du monde. Les éléments du lore sont distillés à travers les objets, les rencontres, les lieux. Le jeu invite à l’exploration lente pour en saisir toute la richesse. La bande-son accompagne le récit émotionnel : chaque thème musical porte une intention narrative (deuil, espoir, solitude, tension). La voix humaine devient parfois elle-même vecteur de récit au point où certaines paroles spoil / appuient la narration, il faut être attentif à 360°.

Le jeu parvient à concilier narration forte et gameplay dynamique sans sacrifier ni l’un ni l’autre. Le rythme est parfait, l'action sait ralentir quand il faut offrir des temps de poésie, de contemplation et narration lente et la narration sait quand c'est à son tour de se taire pour faire place à l'action. Chaque affrontement majeur est chargé de signification. Les boss ne sont pas juste des obstacles mais des métaphores, incarnant des peurs, des souvenirs ou des failles. Dans ce jeu, il y a des ennemis certes, mais il n'y a pas de méchants. La narration de Clair Obscur : Expedition 33 se distingue par sa capacité à allier sensibilité humaine, poésie visuelle et profondeur thématique. Il ne s’agit pas simplement de raconter une histoire, mais de tisser une expérience émotionnelle, esthétique et philosophique où chaque détail, chaque silence, chaque tableau compte. C’est une œuvre qui parle de l’art comme dernier refuge face à la mort, du pouvoir des mots, et de la mémoire comme résistance. Un récit qui continue à vivre bien après avoir posé la manette, d'ailleurs je discute encore de la fin depuis plusieurs jours avec mes amis. Chaque fois que je finis un jeu qui m'a été cher, j'ai toujours un moment de creux, une vague de tristesse qui s'installe. Ma façon thérapeutique de faire ce deuil est très souvent d'écrire un test, comme ici, qui me permet de mettre sur papier toutes les idées qui ont traversé mon cerveau pendant ma partie et d’accepter d'aller en avant. Et ce rituel n'a jamais été aussi pertinent que sur Clair Obscur, celles et ceux qui ont fini le jeu savent de quoi je parle.

Les ennemis sont profondément atypiques
Des décors magiques

Expérience irréelle

Guillaume a raconté au Joueur du Grenier qu'il s'était autoformé sur Unreal 4 en suivant des tuto. Unreal est un moteur de jeu, très connu du milieu. Si Expedition 33 a d'abord été développé sur Unreal 4, ce sera en passant au 5 que le jeu prendra sa touche finale. Chez Ubisoft Guillaume n'avait pas à proprement parler les mains dans le cambouis, il ne touchait pas directement à la technique. Il s'est donc infligé des longues heures en afterwork jusqu'à atteindre un niveau qui lui suffira pour maîtriser les rouages de Unreal et nous pondre cette merveille graphique dont on parle aujourd'hui. Car oui, en plus d'avoir une musique exemplaire, le jeu est magnifique. Les textures sont particulièrement détaillées et les effets de particules (pluies fines, poussières, brumes d’ambiance) renforcent le réalisme des environnements. Les animations fluides et les effets d’éclairage en temps réel contribuent à une immersion totale, permettant au joueur de percevoir chaque nuance de l’esthétique proposée. L’intégration d’effets climatiques dynamiques (variations de luminosité, cycles jour-nuit) et d’ambiances sonores en symbiose avec les visuels permet non seulement de renforcer l’identité visuelle du jeu, mais également d’amplifier l’expérience émotionnelle. Clair Obscur n'est pas forcément fin comme un Hellblade II mais son univers visuel unique, combinant des influences de la Belle Époque avec des éléments fantastiques, sa direction artistique audacieuse et ses environnements détaillés en font une véritable œuvre d'art interactive. Une véritable œuvre d'art qu'ils ont fait... à 5 en gros. Ce n'est pas sans me rappeler Folklore (PS3) pour son côté Kentaro Miura halloweenesque et c'est ce qui fait qu'un jeu peut être très catchy visuellement alors que c'est pas l'ultime branlée technique. Car ce que n'est pas Clair Obscur, c'est bien une démo technique, c'est une expression artistique sans barrière. Même si les personnages et certains buildings sont à la limite du photoréalisme, la DA fantastique reprend très souvent le pas, que ce soit au niveau des personnages (Esquie <3) ou des décors notamment. Et en combat c'est pareil ; les effets visuels sont délectables, impressionnants et dynamiques. Le jeu des caméras a appris des meilleurs, avec Lost Odyssey et Persona 5 en tête de peloton. Les techniques des personnages sont parfois grandiloquentes, et c'est pour le meilleur, et là on lorgne de nouveau vers Final Fantasy X, sans moindre doute.

Pour rentrer plus dans les détails, le visuel du jeu s’enracine profondément dans l’héritage artistique de la Belle Époque et du mouvement Art déco comme dit précédemment. Cette référence historique ne se contente pas d’influencer les décors ou le design des costumes ; elle s’inscrit dans une quête de raffinement qui donne au jeu son identité unique. Les environnements du jeu évoquent des bâtiments aux détails minutieux, des intérieurs aux dorures subtiles et des façades ornées de motifs géométriques comme si Sandfall avait embauché un véritable architecte (c'est peut-être le cas?). Chaque lieu est conçu pour rappeler l’exubérance et l’élégance de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, tout en intégrant des touches modernes qui renforcent le caractère fantastique quasi dystopique de l’univers. Les tenues des personnages, les armes et les gadgets se veulent rétro futuristes à mort, créant un contraste qui plonge le joueur dans un monde hybride entre nostalgie et innovation, comme une petite touche de steampunk.

Forcément, le titre vous le met en pleine gueule, la maîtrise du clair-obscur est de mise. La gestion de la lumière est primordiale. Des jeux de reflets, d’éclairages dynamiques et d’ombres portées donnent à chaque scène une dimension cinématographique / dramatragique. Ce jeu sur les contrastes contribue à instaurer une ambiance mystérieuse et immersive, où la lumière semble à la fois révéler et dissimuler des détails essentiels à l’intrigue ; l'intrigue qui est d'ailleurs distribuée de la même façon, à chaque fois qu'on pense qu'un truc est éclairci, un nouveau doute s'installe. La dualité lumière/ombre symbolise également des thèmes plus profonds du jeu, tels que la lutte entre le bien et le mal, la dualité de l’être humain et le passage entre la réalité et le rêve. Mais tout ça on en reparle juste après.

Qui dit jouer sur la lumière dit aussi jouer sur les couleurs, et c'est encore un point où Sandfall a excellé (décidément!). Le jeu alterne entre des teintes chaudes, rappelant l’or et les ambiances feutrées d’un vieux bistrot parisien, et des nuances plus froides qui mettent en exergue les aspects mystérieux et parfois inquiétants de l’univers. La composition des scènes joue un rôle central, où les éléments visuels sont agencés de manière à guider l'œil du joueur. Des points focaux bien définis, associés à une profondeur de champ travaillée, permettent de créer des tableaux vivants qui mériteraient d’être exposés dans une galerie d’art, l'Art qui est d'ailleurs le point névralgique de toute l’œuvre.

Bref, vous l'aurez compris, l'harmonie entre la narration, la musique et le visuel transporte le joueur dans un voyage émotionnel. Chaque détail, du moindre reflet de lumière sur un objet ancien aux ombres dansantes dans des ruelles étroites, participe à la création d'une ambiance unique, faisant de chaque instant une expérience mémorable. Cet aspect graphique contribue largement à l’enchantement général du jeu.

Des combats
Encore des combats

Make J-RPG great again

Est-ce que Clair Obscur réinvente le J-RPG ? Clairement non, mais il vient de lui donner un lifting incroyable pour bien 10 ou 20 ans. C'est amusant de voir que c'est un jeu français qui aura réussi cette prouesse à remettre au goût du jour le RPG tour par tour à la japonaise, le faisant sortir de la cage où seul Persona 5 subsistait encore. En ajoutant un coté parrying / jeu de rythme digne des meilleurs FromSoftware, le jeu a réussi à insuffler un gameplay hybride ultra addictif. En effet, comme dans Paper Mario ou Legend of Dragoon, le joueur peut esquiver (c'est le plus facile) ou parer (le plus destructeur) les attaques ennemies en temps réel. Ne pensez pas vous y affranchir, certains bossent vous tuent dès qu'ils vous touchent. Ces gros sacs à PV ont des patterns qu'il vous faudra apprendre si vous voulez avancer dans l'histoire. Bienheureusement, les game over ne sont pas du tout punitifs (et vous en aurez beaucoup, vraiment beaucoup). Selon votre niveau, vous pourrez mettre le jeu en facile, normal ou en difficile. Je ne peux que vous conseiller de mettre le jeu en mode expert tant cela oblige à rester concentré même en phase défensive, tant les combats apportent alors une tension continue, un véritable enjeu, loin de la lenteur traditionnelle du genre (que j'adore mais dont certains sont allergiques). En plus de ça, certaines attaques puissantes doivent être chargées en temps réel (par exemple sur deux tours, sans être interrompu), laissant le joueur vulnérable pendant l’animation, ce qui introduit une gestion du risque. Enfin, certaines attaques demandent de viser avec précision, à la manière d’un jeu de tir, rendant chaque compétence plus interactive. Cela donne une dimension « skill-based » rare dans le J-RPG. Les nouvelles mécaniques sont introduites de façon organique, au fil des chapitres, ce qui rend le jeu exigeant mais jamais brutal pour les nouveaux venus dans le genre. Ce système hybride entre tactique au tour par tour et action directe crée une expérience de combat vivante, précise et gratifiante. Les animations d’attaque, de déplacement ou de sorts sont fluides et chorégraphiées, rendant chaque affrontement agréable à regarder et à jouer.

Concernant l'équipe on reste dans du plus classique. On a une équipe de combat limitée à trois joueurs, mais si tout le monde meurt, on peut envoyer les autres dans le même combat, donc tout le monde est important. Chaque membre a ses propres forces, faiblesses, capacités spéciales et relations avec les autres. Il n'y a pas de doublon ici. L'équilibrage repose sur la synergie des compétences : soins, buffs, dégâts directs, dégâts en zone, effets d'altération. Le jeu pousse à expérimenter des stratégies variées plutôt qu’à chercher une composition optimale unique. On peut jouer de maintes façons et s'amuser à faire péter le score (Internet enregistre des dégats de plus de 500 millions, du jamais vu dans un J-RPG!). Chaque personnage évolue non seulement en statistiques, mais aussi à travers des arcs narratifs qui débloquent de nouvelles compétences ou choix stratégiques. A la manière d'un Persona le jeu exige une préparation stratégique. La punition vient rarement du hasard, mais plutôt d’une mauvaise lecture tactique, et la plupart du temps vous avez les bons picto pour vous en sortir (même sur les méga boss cachés). Le gameplay de Clair Obscur : Expedition 33 est un mélange original de stratégie, d’adresse et de narration. En combinant des combats au tour par tour interactifs avec une forte immersion sensorielle, Sandfall Interactive propose une expérience rare : tactique mais fluide, réfléchie mais viscérale, où chaque affrontement devient une danse, et chaque décision, un choix de vie ou de mort.

En plus de votre aptitude à tout esquiver ou parer, les pictos que vous ramasserez ça et là sont la clé de la réussite. Bonus passifs qui une fois activés se transforment en luminas, des compétences en combats. Vous pouvez les emmagasiner à volonté, à partir du moment où vous avez assez de lumicolors, mais je vous laisse bon soin de découvrir tout ceci en combat, tellement les combinaisons sont sans limite et s'adaptent à chaque style de joueur.

Enfin, le jeu n'est pas un PUTAIN D'OPEN WORLD DE MERDE et ça fait vraiment ultra plaisir bordel ! Finis les quêtes fedex de merde avec tes tours ubisoft pourries pour aller chercher une poule de merde pour la vieille qui t'arrête au coin de la rue. Les zones sont interconnectées via une map à l'ancienne, riches en secrets, rencontres et récits environnementaux. L’exploration est récompensée par du lore, des objets, et des rencontres uniques. Certaines zones exigent des manipulations spécifiques, inspirées des jeux d’aventure : mécanismes anciens, artefacts oubliés, ou choix ayant un impact sur la zone. À mesure que l’équipe progresse, de nouvelles capacités (ou événements) permettent de revenir dans certaines zones pour en débloquer de nouvelles portions. Chaque quête annexe apporte véritablement quelque chose au jeu et ne vient pas crûment dans les mains du joueur, il faut la chercher (et non je ne parlerai pas des plages gestrals).

Vous aurez compris mon engouement pour le jeu à force de me lire. Sandfall Interactive a réussi un sacré tour de passe-passe et ce n'est pas pour rien que je parle du miracle Clair Obscur. Ils ont remis en avant mon style préféré ever, le J-RPG tour par tour. Ils ont montré qu'on pouvait allier gameplay et narration de manière exemplaire et plaire au plus grand nombre. Ce jeu est une véritable révolution, un vent de fraîcheur ultime dans le monde vidéoludique. À force de jouer à des jeux comme God of War, Final Fantasy, ou encore Horizon, je pensais juste que j'étais blasé, que j'aimais de moins en moins les jeux vidéos, mais en fait non, c'est juste que les jeux vidéos AAA sont devenus de la merde. Heureusement il y a encore des pépites, des petits joueurs qui ont osé faire la révolution et ils viennent absolument d'exploser toutes les plus grosses productions de ces vingt dernières années. Clair Obscur : Expedition 33 vient d'entrer dans mon top 10 de mes jeux favoris de la vie, et ça fait bien longtemps que le top ne bougeait plus. Mes hommages Sandfall Interactive, merci pour tout. Demain viendra.

La Peintresse
Esquie, meilleur personnage EVER

AU FINAL...

Qualité visuelle

Le jeu est magnifique, pas tant techniquement qu'au niveau du choix des couleurs, de la lumière, des caméras et de toute sa direction artistique. 

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Qualité sonore

Une OST exceptionnelle, des doublages quasi-parfaits, des dropbass et effets sonores magnifiques, ce qui empêche la note parfaite c'est juste les petits problèmes de mix de temps en temps qui font qu'il est parfois difficile d'entendre ce que les protagonistes ont à dire (sur certaines cinématiques ciblées).

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Background

Le monde extérieur est plein de surprises. Le joueur est invité à être curieux tout au long du jeu pour bien en comprendre toutes les strates. C'est riche et intense. 

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Interface - Jouabilité

Le menu est assez lourd aux premières utilisations, notamment concernant la gestion des pictos, où il faut avoir de bons yeux. Aucun moyen de sauvegarder son build parfait. Les parties plateformes sont assez rigide également, mais bon, c'est censé être un RPG, pas Mario Bros. À part ça, le jeu est une masterclass de ce qu'il faut faire aujourd'hui.

 17

Durée de vie - Rejouabilité

Plus de 70h pour tout faire, des quêtes annexes qu'il faut chercher soi-même mais toujours au service de la narration, pas pour remplir des heures de jeu inutilement, un NG+ obligatoire pour tout farm et une narration tellement stratifiée qu'une deuxième lecture est la bienvenue, que souhaiter de plus ?

 18

Gameplay - Intérêt

En mélangeant avec brio tour par tour avec un gameplay exigeant, de la tactique et des possibilités de build dantesque, le jeu en devient addictif as fuck, avec ce bon goût d'envie de tout le temps y revenir, c'est signe d'une expérience réussie.

 19

CONCLUSION

Que dire à part qu'il s'agit clairement du meilleur jeu de l'année, du meilleur J-RPG depuis Final Fantasy X (donc depuis plus de 20 ans), de la meilleure OST, sans doute du monde, d'un gameplay parfait, exigent mais pédagogique, d'une histoire vraiment originale, d'une narration poignante, d'une mise en scène passionnée et j'en passe. Clairement le meilleur jeu de la PS5, et il ne se fera pas détrôner.

18.5 / 20


prout

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